Après plus de quatre ans de gestation et une présentation en première mondiale au dernier Salon de Genève, l’Alpine A110, héritière de la Berlinette iconique des années 1960 et 1970, revient enfin sur le devant de la scène. Le coupé sportif deux places en déclinaison Première Edition s’est plié à l’épreuve des tests dynamiques fin novembre dans la région d’Aix-en-Provence, près de Marseille, d’abord sur les routes étroites et sinueuses du Luberon, puis sur le petit circuit du Grand Sambuc (2 kilomètres).
Exposés côte à côte lors de l’événement, le modèle d’époque et la version contemporaine possèdent, sur le plan du style, une parenté certaine. Respectueux de l’héritage d’Alpine, les designers ont panaché silhouette d’origine et esthétique postmoderne. On retrouve sur la nouvelle A110 le capot nervuré et bombé du mythique ancêtre, les volumes tout en rondeurs, la troncature arrière, les flancs sculptés, de même que les quatre optiques avant qui confèrent à la proue une forte personnalité. Le coupé de la relance mise toutefois davantage sur la douceur des lignes que sur le look hypersportif. On le remarque au premier coup d’œil, l’A110 se distingue par une compacité extrême: 4,18 m de longueur, 1,80 m de largeur et 1,25 m à peine de hauteur pour un empattement de 2,42 m.
Le poids, l’ennemi à abattre
Pour redonner vie à la lignée Alpine, éteinte depuis plus de vingt ans, les concepteurs de l’A110 Première Edition ont mis au point une toute nouvelle plateforme qui privilégie agilité et légèreté. Dans cet esprit de chasse aux kilos, ils ont ferraillé sur deux fronts: les matériaux et les sous-systèmes du véhicule. Le coupé dieppois affiche, selon le constructeur, 1103 kilos en ordre de marche (full fluids et réservoir à 90%). Ce résultat flatteur s’explique par une carrosserie composée de pièces embouties 100% aluminium et un châssis avec des extrudés eux aussi intégralement en alu. Les zones d’accostage ont été à la fois collées et rivetées. En parallèle au régime minceur appliqué à la charpente de l’A110, les ingénieurs ont optimisé la voiture pièce par pièce. Grâce à des étriers de frein avant et arrière en alu, ils ont limé 2,5 kilos. L’adoption du dispositif d’essuyage AquaBlade de Valeo, avec des gicleurs intégrés aux balais, a permis d’embarquer moins de liquide (1,5 l au lieu de 3,5 l), si bien que deux autres kilos ont été gagnés. Le travail sur la partie magnétique des haut-parleurs a, lui, apporté un gain d’un kilo. De conception allégée, les sièges Sabelt monocoques ne pèsent pour leur part que 13,1 kilos chacun.
Au-delà de la traque à l’embonpoint, la distribution des masses et le centre de gravité constituent la clé de voûte du comportement du véhicule ainsi que de l’agrément de conduite. Le 1,8-l suralimenté de l’A110 est logé en position centrale arrière et disposé de façon transversale. Dans le souci d’équilibrer les masses, le réservoir (45 l) et la batterie se trouvent à l’avant. Le tableau final de la répartition du poids indique 44% à l’avant et 56% à l’arrière. Quant au centre de gravité, il est positionné très bas au niveau du bassin du conducteur.
Moteur turbo de 252 ch
On l’a souligné, le coupé français embarque un moteur turbo Twin Scroll de 1798 cm3. Ce groupe motopropulseur, de type MR18 (le code trahit l’origine Nissan), partage le même bloc que celui de la nouvelle Renault Megane R.S. Par rapport à la compacte sportive au losange, le 4-cylindres essence de l’A110 est toutefois doté d’un autre type de turbo à double volute, d’une culasse retravaillée par Renault Sport Racing, d’un filtre à air plus volumineux, d’une injection directe reparamétrée et d’un système d’échappement dédié, ces trois derniers volets étant l’œuvre de Renault Sport Cars. Ce moteur développe 252 ch pour un couple maximal de 320 Nm entre 2000 et 5000 tr/min. Grâce à un rapport poids/puissance de 4,3 kg/ch, l’A110 abat, d’après Alpine, le 0 à 100 km/h en
4,5 s et atteint une vitesse de pointe de 250 km/h (bridée électroniquement).
A l’heure d’allumer le 1,8-l turbo, une question nous taraude l’esprit: la sonorité émise par la ligne d’échappement sera-t-elle à la hauteur de la légende? Les vocalises gutturales, viriles sans être assourdissantes, nous rassurent. L’A110 ne se la jouera pas bolide de Blancpain GT Series. Equipé d’un résonateur de Helmholtz pour amplifier le son et d’une valve qui s’ouvre au ralenti et au-dessus de 4000 tr/min en mode Sport et Race, l’échappement en Y en tôle fine et inox (9,8 kilos) est gage d’une musicalité à la sportivité discrète.
Sur les routes serpentines du Luberon, le 4-cylindres révèle une personnalité fougueuse, avec des poussées à la fois régulières et musclées. Quand on écrase l’accélérateur, la puissance arrive avec la rapidité du coureur de 100 mètres, même si le turbo ne souffle qu’à partir de 2000 tr/min. Le 1,8-l de l’Alpine est un moteur plein, exploitable sur une large plage de régime. Il fait ménage commun avec une boîte automatique double embrayage 7 vitesses. Des palettes en alu solidaires de la colonne de direction autorisent une conduite en mode manuel. Spécialement conçue pour l’A110, cette boîte se caractérise par sa précision, son efficacité et sa rapidité d’enchaînement des rapports. En automatique, elle détecte avec à-propos le bon régime moteur pour changer de rapport. En séquentiel, elle procure un intense plaisir de conduite. Seul regret: on peine à comprendre les raisons qui ont poussé Alpine à renoncer à une boîte mécanique.
Comportement souverain
Dotée d’un fond plat intégral et d’un diffuseur à ailettes qui lui permettent de faire l’économie d’un aileron ou d’un béquet, l’Alpine A110 semble vissée au sol avec ses Michelin Pilot Sport 4 (205/40 R18 à l’avant et 235/40 R18 à l’arrière). Les sensations de pilotage sont comparables à celles d’un kart. On l’a en partie évoqué, ses trois modes de conduite (Normal, Sport, Race) sont paramétrables sur un bouton placé sur le volant. Les ingénieurs d’Alpine ont délaissé le différentiel autobloquant pour un différentiel électronique, au motif que le premier aurait empâté l’A110 de cinq kilos.
Ce choix ne nuit pas à la sportive française dans la mesure où le comportement en virage est souverain: tant sur les courbes à rayon moyen que dans les lacets du Luberon attaqués à allure soutenue, le coupé conserve une stabilité et une agilité de tout premier ordre. En sortie de virage, propulsion oblige, il dérive sans coup de Jarnac, de telle façon qu’il est aisément maîtrisable.
Maniable, dotée de trains équilibrés, l’A110 est à la fois sécurisante et divertissante. Et elle peut compter sur un système de freinage Brembo à la fois progressif, réactif et puissant (étriers fixes quatre pistons à l’avant, étiers fixes monopiston à l’arrière, disques de 320 mm à l’avant et à l’arrière). Le réglage des suspensions, à double triangulation à l’avant et à l’arrière, assure un excellent compromis entre confort de roulage et sportivité.
Si ces qualités dynamiques se sont confirmées lors de la dizaine de tours effectués sur le circuit du Grand Sambuc, deux observations viennent nuancer le tableau. L’absence de différentiel autobloquant se fait quelque peu sentir dans les sorties de courbe avalées à haute vitesse, tant il faut faire preuve de vigilance pour maintenir le coupé dans la trajectoire. Mais ce typage, qui privilégie la glisse, n’entame en rien la motricité. Sur la longue ligne droite du tracé (environ 800 mètres) parcourue à quelque 200 km/h, l’A110 s’est en outre signalée par de légers mouvements de caisse. Au terme de notre galop d’essai sur route et sur piste, force est d’admettre que la française évolue davantage dans le registre GT que dans celui de la radicalité sportive.
Luxe sobre
A l’intérieur, la biplace surprend par son confort et son habitabilité. Les sièges baquets Sabelt en cuir et microfibres noirs peuvent reculer sur une bonne distance, tant il est vrai que même de grands gabarits seront à l’aise. L’ambiance est au luxe sobre et à la sportivité bourgeoise, avec un mélange de carbone, d’alu et de cuir. Nous avons apprécié la console centrale flottante en forme d’arche recouverte de fibre de carbone et le petit bloc d’instrumentation avec télémétrie intégrée et coiffé d’une casquette en carbone elle aussi. La qualité de fabrication et d’assemblage est correcte. Dommage que le placage en plastique dur de toute la partie supérieure du tableau de bord fasse un peu cheap.
L’Alpine A110 Première Edition est facturée 62 000 francs. Cette série limitée de 1955 exemplaires, en référence à la date de fondation de la marque (lire l’encadré), est d’ores et déjà vendue. Le constructeur français va maintenant s’atteler à la fabrication des A110 de série dans l’usine de Dieppe (Normandie), berceau historique d’Alpine. Déclinées en deux versions, Pure (modèle privilégiant la sportivité) et Légende (configuration GT), ces voitures sortiront des chaînes dans le courant 2018. Les tarifs des A110 de série ne sont pour l’heure pas connus. Pour commercialiser son coupé, Alpine va ouvrir d’ici la fin du premier trimestre 2018 soixante concessions en Europe, dont cinq en Suisse (Zurich, Saint-Gall, Winterthur, Lausanne et Conthey, en Valais). Au troisième trimestre de l’année prochaine, d’autres points de vente seront inaugurés en Australie et au Japon, pays qui idolâtre l’A110.