Pour le cinquantième anniversaire de l’installation, Opel nous a conviés à un voyage dans le temps. C’est la façon qu’elle a choisie pour rappeler la genèse et les débuts du plus grand Test Center de General Motors hors des Etats-Unis, avec ses 70 km de piste.
Au début des années 60, Opel mandate un prestataire pour trouver un terrain d’essais. Le choix se porta rapidement surdes terrains situés à Dudenhofen, dans le Palatinat; une lettre adressée «Au maire de Dudenhofen» fut rapidement expédiée pour manifester l’intérêt. Sauf que le mandataire oublia d’ajouter le code postal, nouvellement instauré en République fédérale allemande. La missive atterrit sur le mauvais bureau, celui de Ludwig Kratz, le maire de Rodgau-Dudenhofen, à une centaine de kilomètres plus au nord. Celui-ci ne laissa pas passer cette chance inespérée et proposa à Opel le rachat de 260 hectares de terrain. Deux ans de planification et de construction plus tard, le Test Center fut inauguré en grande pompe en 1966.
Bien protégé des regards inquisiteurs et des téléobjectifs par une forêt dense, le centre d’essais disposait à l’époque d’environ 33 km de piste, dont 5 km pour l’anneau circulaire destiné aux hautes vitesses. Un «skid-pad» de 100 m de diamètre, dévolu aux essais de dérapage et contre-braquage, faisait également de la panoplie. Le premier véhicule à bénéficier de ces installations flambant neuves a été la légendaire Opel GT.
Au fil des années, plusieurs millions d’Opel ont subi des épreuves impitoyables à Dudenhofen, de la Rekord à la Manta, en passant par la Commodore. Encore aujourd’hui, les testeurs parcourent plus de 40 000 km journaliers sur les différentes pistes du Test Center, et ce, sept jours sur sept.
Pour nous dévoiler certains endroits et pièges de ce centre d’essais, Opel nous a confié le volant d’une voiture remontant à l’époque de la fondation du «terrain d’essais», une Kadett B. Nous partons à son volant à la découverte des pistes reproduisant des tronçons de route réels. La «Rheinstrasse» reproduit fidèlement une route pavée de Mayence de l’après-guerre; une «Treburer Strasse» en piteux état réplique une rue située à Rüsselsheim, non loin des quartiers généraux d’Opel. La «Grossblock Wellenbahn» fait office de piste de torture: les blocs en béton dans le sol visent à tester l’usure du matériel en utilisation intense. Pour ce tronçon particulièrement sévère, Opel retient un facteur d’amplification de 75, ce qui signifie qu’un kilomètre couvert sur cette piste équivaut à 75 kilomètres sur la voie publique, à vitesse soutenue. En vingt-quatre semaines seulement, il est possible de simuler des sollicitations que la voiture aurait subies pendant dix ans, dont la corrosion.
Technique et extension
La piste s’est adaptée aux nouveaux besoins, en recevant de nombreux tronçons. Dans les années 80, une piste d’acoustique et de confort de 4,4 km s’ajouta à l’arsenal de test; en 1992, l’anneau de vitesse fut rénové et augmenté, en 2004, d’un ovale avec système d’arrosage. En 2006, une station-service avec trente-deux colonnes pour seize carburants différents a fait son apparition. En 2012, le constructeur de Rüsselsheim a rénové son circuit circulaire,qu’il a élargi avec un tronçon incliné jusqu’à quarante degrés, si bien qu’on peut le parcourir à 250 km/h sans forces centrifuge ou centripète, autrement dit, il serait théoriquement possible d’affronter ce circuit sans tenir en main le volant! Dans le cadre du plan d’extension de 2013, cinquante ans après l’acquisition du sol, d’autres terrains ont été achetés à la Ville de Rodgau-Dudenhofen pour la construction d’une longue ligne droite de 1,7 km, qui débouchera sur un skid-pad circulaire de 300 mètres de diamètre. Les jalons sont posés pour l’avenir: le terrain est prêt pour tester la conduite autonome. Même sans autopilote, les essayeurs d’Opel sont fortement «téléguidés», car le système de pilotage intégré à chaque véhicule prescrit de manière précise le parcours à effectuer. Mieux, le dispositif indique les bifurcations, les arrêts et la vitesse minimale/maximale à respecter; il faut aux testeurs une concentration de tous les instants. C’est la raison pour laquelle ils sont 150 à se succéder, au rythme de trois équipes chaque jour.
Records et circuit de compétition
Cette piste n’est pas seulement dévolue aux essais routiers habituels, mais aussi à l’établissement de records. Comme en 1972, lorsque l’Opel Diesel GT enregistrait simultanément 20 records mondiaux.
Le quatre-cylindres turbodiesel de 2068 cm³ et 95 ch a propulsé le petit bolide au cockpit en plexiglas et aux formes aérodynamiques à la vitesse de 197 km/h. Trente ans plus tard, c’est de nouveau une sportive à moteur diesel qui tente sa chance: l‘Opel Eco-Speedster arbore pour l’occasion une carrosserie en fibre de carbone habillant un diesel de 1,3 litre et 112 ch. L’objectif, résoudre la quadrature du cercle entre performance maximale et consommation minimale. Avec une vitesse de pointe de 256 km/h pour une consommation de 2,54 l/100 km, l’EcoSpeedster a atteint son but haut la main. En2005-2006, Opel inaugurait la Performance Area, avec une «mini-boucle Nord» du Nürburgring, comme elle est surnommée à Dudenhofen. Ce circuit très technique n’est en effet pas sans rappeler le fameux «enfer vert»; ce n’est pas pour rien que la marque a choisi cet endroit pour ses stages de pilotage OPC. Nous, nous parcourrons les 900 mètres du tracé à bord de la dernière itération de l’Astra, ce qui nous suffit pour affirmer que ce sobriquet n’est pas usurpé. Trouver les points de freinage et de braquage idéaux n’a rien d’un jeu d’enfant – malgré l’instructeur expérimenté qui vous précède.
L’avenir
Pour suivre les incessants développements dans le domaine automobile, le Test Center ne peut pas rester sur place. Raison pour laquelle Opel a investi plusieurs dizaines de millions d’euros pour étendre son infrastructure. D’ici 2020, les effectifs devraient doubler, en passant d’environ 300 à 700 collaborateurs. Les normes légales toujours plus contraignantes et les exigences sans cesse plus élevées des clients fourniront bien assez de matière à éprouver. Les tests sur ordinateurs sont bien utiles à cet égard; les essais au simulateur ont désormais pris le pas sur les mises à l’épreuve réelles, ces dernières ne servant plus qu’à valider les résultats obtenus informatiquement. Et les défis pour le Test Center sont loin d’être terminés, avec l’arrivée des véhicules autonomes, comme l’explique Bruno Praunsmaendel, du département d’ingénierie de Dudenhofen. «En moyenne, entre deux accidents, il s‘écoule douze millions de kilomètres ou 120 000 heures.Pour obtenir des valeurs statistiquement utilisables, nous devrions en couvrir dix fois plus pour être en mesure de confirmer que le système fonctionne en toute sécurité. Or ceci est tout simplement impossible. A l’avenir, donc, il va falloir trouver de nouvelles solutions pour tester comme il se doit les véhicules.» Le bitume de Dudenhofen fonctionnera encore longtemps au rythme des tests d’Opel, et ce ne sera certainement pas par erreur!