Volkswagen a senti le vent du boulet. Englué depuis plusieurs jours dans un conflit avec deux sous-traitants qui avaient stoppé leur approvisionnement, le colosse allemand est finalement parvenu à un accord mardi dernier au bout de 19 heures d’âpres négociations. Avant cet heureux épilogue, des pourparlers s’étaient déjà tenus sans succès samedi et lundi dernier. «Les fournisseurs vont reprendre sous peu leurs livraisons», a annoncé mardi matin, sans donner davantage de détails, un porte-parole du numéro un européen de l’automobile.
Déjà fragilisé par le scandale des moteurs diesel truqués, qui avait éclaté en automne dernier, le groupe de Wolfsburg se sort d’un bien mauvais pas. Un scénario cauchemardesque se dessinait pour le constructeur allemand après que Car Trim, fabricant de revêtements de sièges, et ES Automobilguss, producteur de pièces pour boîtes de vitesses, eurent décidé par représailles de fermer les robinets. Les deux entreprises, propriété de Prevent, lui-même filiale du groupe bosniaque ASA, reprochaient à VW la dénonciation de plusieurs contrats commerciaux, sans préavis et sans compensation. L’affaire portait sur une somme de 58 millions d’euros. Indice de la gravité de la situation, le géant d’outre-Rhin avait saisi la justice le 12 août pour faire plier les deux fournisseurs.
Pire, un communiqué publié par Volkswagen lundi dernier échafaudait un plan de guerre drastique sous la forme d’une réduction du temps de travail sur six sites de production de la Golf et de la Passat, deux des modèles phares du groupe. Les mesures de chômage technique devaient concerner quelque 28 000 collaborateurs à Wolfsburg, Emden, Zwickau, Kassel, Salzgitter et Braunschweig. Il faut remonter à février 2009 pour trouver trace d’une mesure aussi spectaculaire. Le constructeur avait alors annoncé que 60 000 ouvriers seraient mis en chômage partiel en raison de la crise économique. S’il a trouvé une issue heureuse, ce conflit pose néanmoins des questions de fond.
Comment deux fournisseurs balkaniques, qui ne sont certes pas des Goliath de la sous- traitance, peuvent-ils mettre en difficulté un groupe comme Volkswagen? «Il est évident qu’à l’époque de la toute-puissance du constructeur allemand, quand il faisait figure de véritable rouleau compresseur, les équipementiers y auraient réfléchi à deux fois avant de lancer une attaque aussi frontale. Mais depuis le dieselgate, qui devrait lui coûter près de 40 milliards d’euros, baisse des ventes et volet pénal compris, Volkswagen n’a plus les coudées franches. Affaiblie, l’entreprise d’outre-Rhin peut plus facilement être mise sous pression», souligne Bertrand Rakoto. Quant au fond de l’affaire, le spécialiste en analyse du marché avance une explication économique: «Selon moi, Volkswagen s’était engagé à assurer à Car Trim et ES Automobilguss un mandat dans le cadre du développement d’un nouveau véhicule. Or, en début d’année, l’entreprise a abandonné sa stratégie de croissance à outrance pour lui préférer une quête de rentabilité, qui passe par une réduction des volumes. Dans ce contexte, le projet de nouveau produit a été enterré», argumente le Français. Qui poursuit: «Entretemps, Car Trim et ES Automobilguss avaient déjà investi dans ce projet et se sont trouvés le bec dans l’eau. Les deux sous- traitants ont donc coupé l’approvisionnement afin d’exiger une compensation financière. L’accord conclu avec Volkswagen a, selon toute vraisemblance, porté sur cette indemnisation.»