Instituée dans le sillage du scandale des moteurs diesel truqués qui a frappé le groupe Volkswagen en automne dernier, la commission Royal, du nom de la ministre française de l’écologie et de l’environnement, a livré fin juillet son rapport final. Pendant neuf mois, un bataillon de spécialistes a évalué les émissions d’oxyde d’azote (NOx) et de gaz carbonique (CO2) sur 86 véhicules (85 blocs diesel et un essence).
Les conclusions sont accablantes, puisqu’en matière d’émissions de NOx certains modèles Euro 6 ont dépassé de plus de dix fois la norme. Pour les émissions de CO2, des dépassements importants ont été constatés lors des essais dits D3, qui reproduisent le cycle d’homologation sur piste et non plus sur un banc d’essai en laboratoire (les dénommés D1 et D2 effectués sur banc à rouleaux). Mais c’est la grande déception pour les observateurs, la commission technique indépendante française n’a pas pu prouver la présence de logiciels truqueurs sur les véhicules testés.
Code source et documentation correspondante
«Selon les informations communiquées par les autorités allemandes, le logiciel embarqué dans l’unité de contrôle du moteur des voitures du groupe VW incriminées utilise un algorithme qui détecte avec précision le cycle de test et active les dispositifs de dépollution uniquement dans ce cas. Pour déterminer si d’autres constructeurs ont eu recours à ce dispositif, il faut avoir accès aux logiciels embarqués dans les véhicules, ainsi qu’à leur code source et à toute la documentation correspondante», lit-on dans le compte rendu final de la commission Royal. Qui poursuit: «Le protocole utilisé dans nos analyses s’appuie sur des tests «en boîte noire», qui ont décelé un nombre important d’anomalies et pour lesquelles les marques ont fourni des explications. Il n’a toutefois pas été possible d’avoir accès à l’ensemble des logiciels embarqués. Dès lors, aucune analyse de ces derniers n’a été effectuée. Nous ne pouvons donc pas nous prononcer définitivement sur leur présence ou leur absence sur les véhicules mis à l’épreuve.»
Pour pallier cette lacune, la commission Royal estime que les autorités chargées de l’homologation devraient pouvoir exiger des constructeurs qu’ils fournissent une information complète sur les logiciels embarqués et sur leur paramétrage, ainsi que sur les moyens de vérifier ces données. Elle remarque dans la foulée que l’industrie automobile profite de la généralisation des véhicules connectés pour promouvoir des mises à jour des logiciels embarqués «over the air», sans besoin de passer par un atelier spécialisé comme aujourd’hui.
Autre point fort du rapport final, les auteurs mettent sur la table toute une série de recommandations. Ils jugent indispensable de demander davantage de transparence aux constructeurs en les obligeant à transmettre les détails de fonctionnement des dispositifs d’invalidation éventuellement présents sur leurs modèles. Les marques sont également invitées à renforcer les performances environnementales des véhicules actuellement sur le marché. Sur le plan législatif, il s’agirait d’afficher à la vente les émissions réelles de CO2 et de combler les failles du système actuel en demandant la suppression immédiate en France des dérogations de la réglementation de 2007 qui justifient l’utilisation de dispositifs d’invalidation.
Enfin, la Commission européenne devrait avoir les moyens de mieux réguler les systèmes d’homologation sur le Vieux-Continent: «La gouvernance doit être repensée pour garantir une application harmonisée de la réglementation en matière de sécurité et d’émissions. Il s’agit d’accroître les pouvoirs de la Commission européenne en termes de supervision des autorités d’homologation et des services techniques et d’améliorer notablement la surveillance de marché.»